Quel instant jouissif lorsqu’à 16 ans, après avoir lu La Mouette, je pouvais enfin dire : « Moi, je lis du Tchekhov ». Je me sentais au top, littéraire dans l’âme. Je prenais un stupide plaisir à bien prononcer le « v » en « f », persuadée d’être l’intellectuelle de ma classe. Et puis, un jour, j’ai voulu pouvoir dire : « Attends, moi je lis du Proust », et je suis vite tombée de mon nuage d’intello bidon. Néanmoins, au delà de ces considérations grotesques, je suis tout de même restée très attachée à Tchekhov. J’ai même encore quelques frissons lorsque je prononce son nom. Et surtout, c’est un des seuls dramaturges avec qui les heures de représentation, au théâtre, passent comme une lettre à la poste, sans déconcentration, agitation ou narcotisme aigu. J’attendais donc avec impatience de poser mes fesses sur les sièges du théâtre de La Colline, et de me laisser porter par La Cerisaie, en ce vendredi 27 mars. Je ne fus pas déçue, tout fut réuni pour que je passe une excellente soirée. Un nom qui sonne le printemps pour une pièce où les personnages, toujours sur le fil, rient et pleurent, conjuguant légèreté et profondeur. Voilà la vie, la vraie, pleine d’humanité. Une mise en scène impeccable d’Alain Françon, dans les décors créés par Stanislavski, en 1906. Cerisiers en fleurs, meules de foin, airs de violon, et danses slaves. Je suis prise dans ce tourbillon qui me porte dans une Russie en plein bouleversement, où il fait bon de porter des robes de coton brodées.